La matière n’est qu’énergie en action. Et comme nous le savons, l’énergie est force de conscience en action.
Sri Aurobindo
Lorsque nous observons la Création, nous pouvons remarquer que s’y exerce un ordre étonnant. Un ordre complexe certes, mais formidable… L’univers semble en effet animé par un enchevêtrement et une articulation extraordinaires de lois universelles tout aussi surprenantes qu’incroyables : loi gravitationnelle, vitesse de la lumière, échanges chimiques, particules élémentaires, interactions des atomes entre eux,… Autant de lois qui sont tout aussi capables d’ordonner l’univers, de lui donner un rythme et une architecture, que d’y créer la vie. De là à dire qu’un tel ordre pourrait témoigner de l’existence d’un « quelque chose » qui nous dépasse mais qui serait à l’origine de tout ce qui est : il n’y a qu’un pas…
Un raccourci facile à emprunter pour qui serait séduit par l’idée d’attribuer un « sens spirituel » à toute chose ; il est vrai. Et pourtant : si tant est que ces lois ne soient pas le produit abouti mais hasardeux de milliards de tentatives précédemment avortées, d’où proviennent-elles ? Comment serait-il possible que des tentatives de créations aléatoires et dénuées de toute logique puissent produire un ordre cosmique si intelligent ?
La façon dont les composantes de la Création naissent, vivent et meurent, les processus et mécanismes qui régissent leurs interactions, les lois fondamentales qui façonnent l’univers dans son ensemble laissent présumer la présence d’une conscience omniprésente – en tout cas d’une énergie fondamentale « intelligente » – qui détermine elle-même l’univers tel que nous le connaissons. Infinie en soi, elle est partout et en tout.
Bien qu’unique par nature, cette conscience-énergie prend la forme de la multiplicité. Chaque chose possède une sorte de « programme » déterminant ce qu’elle est, à l’instar de l’ADN qui sous-tend la constitution des organismes vivants. Quel que soit par exemple la nature d’un atome, deux atomes de carbone pris à deux extrémités de l’univers auront étonnamment la même constitution et répondront aux mêmes lois d’organisation. Il semble que chaque élément physique contienne une formation énergétique déterminant sa matière. Ces formations peuvent avoir des points communs, des caractères communs, ou même déterminer des collectifs et des espèces.
Lorsque nous saisissons que la conscience-énergie est la fondation première de la Création, il est relativement facile de comprendre à quel point cette même conscience – qualifiée de « conscience unique et originelle », ne peut être en aucun cas séparée de l’univers. Et si les formations énergétiques sont nées en elle, si l’énergie qui détermine la matière est sienne, alors la Création est l’expression de cette supraconscience. Elle est sa forme, son objectivation, tandis qu’une conscience infinie se définit et se matérialise en une infinité de consciences finies. D’un soleil unique partent une multitude de rayons, chacun d’entre eux possédant sa propre existence et son propre chemin évolutif tout en restant étroitement lié à son foyer d’origine. La conscience infinie – que certaines traditions nomment l’Ame Unique, ou Ame universelle, se déploie en autant de parcelles d’elle-même et jouit, partout comme en tout, de la diversité des êtres et des existences.
Toute chose existant dans la Création est ainsi portée, en arrière-plan, par cette conscience unique. L’âme est le fondement premier qui sous-tend et conditionne, quoi qu’invisiblement pour la plupart d’entre nous, la nature et l’évolution des choses comme des êtres. Cette parcelle de l’Origine que nous portons tous nous relie intimement les uns les autres, nous relie à l’entièreté de la Création, nous relie à l’Origine elle-même. Rien n’est séparé : macro et microcosme ne sont qu’une seule et même chose, un seul et même Etre en essence.
1994 | Aïlango