Demain est aujourd’hui

L’homme semble parvenu au terme de ce qu’il pouvait atteindre par ses propres moyens. S’il aspire encore à d’autres élans et de lointains horizons avec plus ou moins de succès, sa nature elle, comme sa conscience, ne sont néanmoins plus adaptées aux temps futurs…

Nos esprits cherchent de nouveaux sommets et toujours plus de vastitude. Résonne en leur tréfond le bruit léger de l’océan, tel un flux régulier remontant de profondeurs lointaines et semi-endormies. En arrière-plan, l’écho majestueux et inexorable des flux de l’Existence qui nous poussent à tendre tout entiers vers la conquête de territoires jusqu’ici inconnus. Notre nature incarnationnelle et matérielle, ce que notre esprit créatif bâtit, sont pourtant de moins en moins en capacité de répondre à ces nouveaux sommets ; paradoxalement.

Certains d’entre nous restent les prisonniers effrayés d’un passé agonisant, cristallisés jusqu’à l’inertie par des habitudes de fonctionnement si ancrées qu’elles nous sont devenues invisibles. D’autres aspirent à un Eden, à une atmosphère lumineuse couvrant de son ciel des paysages plus sereins. D’autres encore ne croient plus, ne savent plus, ne voient plus, et se sentent complètement perdus. Les contrastes, les oppositions qui nous traversent et nous déchirent s’accentuent, en nous les extrêmes se figent : tous les signes semblent rassemblés pour annoncer l’aurore de changements majeurs et prochains…

Car dans ces prémices apparemment chaotiques et incertains se nourrit malgré tout le besoin de plus en plus puissant de changement. Nous sommes d’ailleurs sans cesse replacés face à la nécessité de ce changement, par la pression et le jeu des circonstances que nous impose le Monde. Ce Monde qui est tout de même malgré nous, pour ne pas dire « malgré tout », le résultat de ce que nous en avons fait. Comme si nous devions nous confronter à notre propre créature, comme si l’Existence acceptait le sacrifice de porter le visage de nos ombres et de nos enfers pour qu’enfin, un jour, nous puissions nous en libérer. Changer, évoluer oui, mais comment et vers quoi ?

Il est possible que ce questionnement doive prendre de plus en plus de place en chacun de nous, car il est peut-être cela même qui tracera de nouveaux sillons ; et ce, bien souvent à notre insu.

Je suis conscient que pour beaucoup la spiritualité (non pas en tant que valeur philosophique mais en tant qu’approche singulière du Réel) relève de la subjectivité et de la croyance. Il m’apparaît pourtant qu’aujourd’hui tout nous dirige vers ce rivage là. Je ne sais pas quelle forme cela prendra, mais nous y allons. Nous pouvons nous occuper l’esprit avec les soucis de la vie quotidienne et les fluctuations économiques ou politiques : un silence de plus en plus concret et solide est en train de s’installer dans le Monde, derrière le voile des apparences et le défilé des événements apparemment chaotiques ou infondés.

(…) C’est un grand Pouvoir qui est entré en mouvement, qui descend de plan en plan. Un Pouvoir silencieux, léger et serein en ses sommets mais toujours plus massif et vaste au fil de sa traversée jusqu’à nous. Il ne descend pas brutalement ni ne s’impose mais progresse très lentement, pas à pas, bousculant tout sur son passage.

Aujourd’hui, plus que jamais auparavant, la Présence est proche et accessible. Aujourd’hui, plus que jamais auparavant, nous pouvons nous placer entre ses mains et de la laisser se charger de nos existences, la laisser nous conduire ou nous instruire vers ce qu’il y a de mieux. C’est un chemin que nous seuls pouvons emprunter, chacun à sa mesure et singulièrement. Il n ‘y a plus que la peur à vaincre, celle-là même qui nous ostracise ou nous pousse à vouloir toujours tout contrôler ; tant nous redoutons de n’être rien, que la vie n’ait aucun sens, qu’elle ne soit qu’un hasard magistral de l’univers.

Il ne faut pas redouter l’absence apparente de tout ni l’obscurité présente : il faut au contraire les traverser. Au-delà, le soleil se lève. Et ce soleil à venir est un astre immensément radieux.

1998 | Aïlango

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